Trek aquatique de cinq jours sur les côtes nord de France
Lorsqu’on cherche un parcours en kayak de mer pour une petite semaine d’autonomie, on pense à la Corse, aux îles déchirées d’Irlande ou aux Lofoten. Lorsqu’en plus on est étudiant et que le budget est très limité, les choix se restreignent drastiquement.
Au pied des falaises de Normandie
Nous dormons dans une grotte, entre les arches d’Etretat, où le bruit amplifié des rouleaux et des galets est assourdissant. Le long des immenses falaises blanches striées de noir, on perd la notion des distances.
Au départ du Havre, début août, le ciel se couvre et le brouillard se lève, l’humidité s’infiltrant partout. La mer bouge juste assez pour se remettre en forme et apprivoiser les kayaks chargés sans se crisper. Les bateaux lourds réagissent bien au ressac croisé -assez désagréable- que nous font subir les falaises, mais leur conception Sit-On-Top les transforme vite en baignoires flottantes officiellement limités à 300 mètres des côtes.
Nous apercevons Antifer et son immense digue alors que des moutons apparaissent autour de nous. Les kayaks disparaissent dans les creux, les pointes chargées plongent dans les crêtes.
Nous nous abritons dans le port, après avoir croisé le pélican d’Antifer, et négocions une douche chaude à la capitainerie. Mais après la pluie, le beau temps, et c’est sous le soleil que nous franchissons l’aiguille d’Etretat et prenons quelques clichés. Les coups de pagaie s’enchaînent mais le paysage refuse d’avancer. Le kilométrage s’enlise et, avec lui, notre volonté de continuer, surtout sous la pluie ininterrompue.
Le 3ème jour se lève sur une mer d’huile et un grand soleil, nous en profitons pour pagayer au large, croisant de beaux voiliers durant nos étapes d’une quinzaine de kilomètres. Le midi nous profitons d’un blockhaus pour faire sécher nos affaires et entamer une sieste bienfaitrice. Nous naviguerons jusque 21h30, malgré le contre-courant et le clapot éclaboussant de l’après midi, jusqu’à apercevoir le port de Dieppe.
Nous aurions du continuer plus longtemps, car le lendemain un vent de 4 à 5 beauforts de travers nous oblige à donner 5 à 7 coups de pagaie à droite pour un seul à gauche pour maintenir nos bateaux dans le bon cap. Nous arrivons à Dieppe plutôt usés, les épaules droites en feu.
Une vedette de la SNSM -Société Nationale des Sauveteurs en Mer- vient à notre rencontre, sous la pluie, pour nous demander de nous abriter dans un recoin du chenal afin de laisser passer un cargo.
Au fil des coups de pagaie, les longs creux de plus d’1,5 mètres se mettent à clapoter puis déferler. Un instant d’inattention est aussitôt sanctionné par la transformation de l’hiloire en baignoire et par le départ en surf incontrôlable de l’embarcation.